Comment améliorer les phrases d’un écrit de travail ?

Améliorer les phrases de nos écrits est toujours une préoccupation. Nous avons trop souvent le souci d’écrire « joliment ». Sans doute faut-il voir là, un vestige de nos années de rédaction et de composition française à l’école. Pourtant, en contexte professionnel, le message l’emporte sur la forme et on attend d’un écrit de travail qu’il soit avant tout efficace.

Or, une grande partie de l’efficacité d’un écrit de travail repose sur la construction des phrases qui le compose selon la structure type bien connue : SUJET + VERBE COMPLÉMENT (s).

Nous attendons votre visite à nos Journées Portes Ouvertes.

Laquelle structure connaît une petite variante dans le cas de textes plus personnalisés et devient : SUJET + PRONOM + VERBE + COMPLÉMENT (s).

– Nous vous attendons à nos Journées Portes Ouvertes.

Ces structures de phrases sont toujours à privilégier car elles facilitent l’accès au sens, notamment si le lecteur doit prendre rapidement connaissance du message. Ce qui est souvent le cas de votre interlocuteur. N’oubliez jamais qu’il vous lit parce que ça fait partie de son boulot, pas pour son plaisir !.

Vous ne me croyez pas ?
En voici la preuve par l’exemple. En l’occurrence, un exemple qui arrive directement du service de presse de l’Élysée. Il s’agit d’un extrait d’une déclaration du Président Hollande (03/09/2015).

L’illustration parfaite de ce qui se passe quand on s’éloigne trop du schéma Sujet / Verbe / Complément(s).  Avec une seule phrase des 73 mots, le texte est incompréhensible.
Source : site Atlantico.

Cependant, il est vrai que n’utiliser que ces constructions types peut aussi rendre le texte monotone – et donc ennuyeux – à lire. Comment améliorer nos phrasesleur donner plus de style mais sans nuire à leur clarté ?

Du style, mais sans les figures !

Pour améliorer vos phrases et globalement enrichir votre style d’écriture au travail, oublier les figures de style des cours de français de nos années d’étude. Pourquoi ? Justement parce qu’un écrit de travail n’est pas un écrit littéraire. On oublie donc les figures de style. J’insiste vraiment. Ni allégorie, ni métaphore, ni métonymie ni aucun de ces effets si présents dans les écrits littéraires. Sinon, vous prenez le risque que votre interlocuteur vous prenne pour un intellectuel prétentieux (relisez l’exemple ci-dessus). Un peu comme si vous en étiez resté à l’époque où le langage jargonneux de l’expert ou du savant imposait crainte et/ou respect au  reste de la population.

Illustration avec l’anastrophe.
Petit rappel de ce qu’est une anastrophe : c’est un procédé qui consiste en une inversion de l’ordre habituel des mots d’un énoncé pour créer un effet de langue raffiné (merci Wikipédia !).

Exemples de deux anastrophes de la littérature française :

– Oh ! Triste, triste était mon âme. (Verlaine).– D’amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. (Molière)

Et trois autres, beaucoup plus contemporains que nous devons au personnage de Maître Yoda de Star Wars :

– Beaucoup encore il te reste à apprendre.
– T’aider, je puis.
– Robuste je suis grâce à la Force, mais pas à ce point-là.
Yoda, grand maître absolu de l’anastrophe. L’anastrophe, comme les autres figures de style, est à réserver au langage littéraire. Bien écrire au travail implique de respecter des constructions de phrases beaucoup plus simples.

Transposons l’anastrophe aux écrits de travail.
Voici ce que cela pourrait donner :

– Votre réclamation, j’ai bien reçue.
– À notre stage d’informatique, votre inscription est confirmée.
– Résulte du Guide des Bonnes pratiques, l’ensemble de ces recommandations.

Pour améliorer nos phrases, c’est certes amusant mais guère envisageable en contexte professionnel…

5 manières d’améliorer vos phrases tout en préservant leur clarté

Ces cinq manières d’améliorer vos phrases ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Vous pouvez parfaitement toutes les utiliser dans un même document. En revanche, l’emploi excessif ou exclusif de l’une ou de l’autre risque de rendre votre texte fort ennuyeux.

1. Placer de l’information en tête de phrase

L’idée est de « casser » le rythme un peu monotone de phrases toutes construites sur le modèle Sujet + Verbe + Complément en introduisant une rupture de style en inversant certains composants de la phrase.

  • Cas 1 :  le participe passé employé comme adjectif.
    Qu’est ce que c’est ? C’est un verbe au participe passé mais employé sans « être », ni « avoir ».
Mme XX est intéressée par votre proposition– Intéressée par votre proposition, Mme XX vous recontactera la semaine prochaine.
Nous sommes convaincus de l’intérêt que vous portez à cette affaire– Convaincus de l’intérêt que vous portez à cette affaire, nous vous …

Nota : dans ce cas, le participe passé joue le rôle d’un adjectif et donc il s’accorde en genre
et en nombre avec le nom qu’il qualifie.

  • Cas 2 : le complément passe devant
 Elle a obtenu sa mutation l’année qui a suivi l’obtention de son Master– Dans l’année qui a suivi l’obtention de son Master, elle a obtenu sa mutation.
Nous vous avons expédié votre commande n° XXXX, le 15 juin dernier.– Le 15 juin dernier, nous vous avons expédié votre commande n° XXXX.
  • Cas 3 : une phrase à l’infinitif
    Dans ce cas, la phrase est le plus souvent introduite par : afin depour.
– Pour faire suite à notre entretien, je vous confirme notre proposition d’embauche.
– Pour me permettre de régler rapidement votre facture, j’ai besoin de l’IBAN de votre compte bancaire.
– Afin de livrer le maximum de clients, le chef de secteur planifie minutieusement le trajet du camion frigorifique.

Ces trois cas de mini-inversion, l’action est placée avant le sujet : identifier QUI fait l’action est moins évident pour le lecteur.

2. Utiliser une formule impersonnelle

Une phrase de forme impersonnelle commence le plus souvent par un « il » ne représentant ni rien ni personne (donc à utiliser avec parcimonie).

– Il est convenu que je recontacte le client d’ici 15 jours.
– Il est acquis que la directrice ne reviendra pas sur cette décision.
– Il est important de rappeler les priorités commerciales de ce trimestre.
– Il est nécessaire de revoir nos procédures qualité.

3. Remplacer les verbes « passe-partout »

Les verbes « être » et « avoir » mais aussi « dire » et  » faire sont trop sur-utilisés. En effet, ces verbes dont partie de ceux qui peuvent avoir des significations tout à fait différentes en fonction du contexte. D’ailleurs, il existe une centaine de synonymes pour « être », un peu moins pour « avoir », une cinquantaine pour « dire » et près de 200 pour « faire ».

Ces verbes appauvrissent tellement les écrits que leur auteur se sent obligé d’ajouter des mots pour éviter le flou. Ce qui rallonge et complexifie les phrases. Alors autant que possible, oubliez-les et utilisez un verbe avec un sens plus précis et mieux adapté au contexte.

Quelques exemples :

 ÊTRE– sembler, apparaître, devenir, ressembler à, exister, se montrer, demeurer, passer pour, rester, s’avérer, tomber, venir…
AVOIR– comporter, compter, entraîner, éprouver, obtenir, porter, posséder, poursuivre, recevoir, remporter, rencontrer, ressentir…r…
DIRE– acquiescer, affirmer, ajouter, énoncer, exprimer, raconter, relater, répondre…
FAIRE– causer, commettre, composer, confectionner, construire, créer, effectuer, émettre, entreprendre, étudier, exécuter, fabriquer, façonner, former, jouer, mesurer, parcourir, produire, réaliser…

Les verbes sont véritablement les pivots des phrases : ils donnent une tournure plus concrète, plus dynamique au message, ce qui en facilite l’accès au sens. Comme la finalité d’un écrit de travail est toujours d’être lu et compris, remplacez ces verbes passe-partout, dès que c’est possible.

4. Privilégier le verbe à la locution verbale

En fait, il s’agit simplement d’utiliser un verbe à la place d’une expression employant un verbe :

– « remédier à » et non « apporter un remède »
–  « croire que » et non « avoir la conviction ».
–  « lister » et non « établir une liste »
– « expérimenter » et non « procéder à une expérience »
– « demander » et non « adresser une demande »
– « réfléchir » et non « avoir une réflexion »
– etc, etc.

5. Préférez le mot exact aux périphrases

Une périphrase est une figure de style qui consiste à remplacer un mot par une définition ou par une expression plus longue, souvent équivalente… Mais pas toujours ! On en trouve fréquemment dans les écrits de travail et encore plus dans les écrits administratifs.

– « Celui qui lit » -> « le lecteur ».
– « Celle qui a gagné » -> « la gagnante ».
– « Vous n’êtes pas sans savoir » -> « Vous savez ».
– « La question se pose de savoir si… » -> « Il faudrait savoir si … »
– « Je vous serais obligé de bien vouloir m’adresser… » -> « Vous voudrez bien m’adresser… »
– « Il a été porté à ma connaissance que… » -> « J’ai été informé de … » / « J’ai appris…» 

Au sein d’un texte d’une certaine longueur, le lecteur finit par se perdre dans les périphrases. Au contraire, l’utilisation de mots justes facilite son travail. Dans la plupart des cas, mieux vaut d’ailleurs répéter un mot que le remplacer par une périphrase.

Parfois, la périphrase ressemble parfois à s’y méprendre à la langue de bois :
« Nous avons l’honneur de vous informer que votre candidature, qui a retenu toute notre attention, ne figurera pas cette année parmi celles que nous considérons comme devant être réservées en priorité« .

Bref, tout ça pour dire :  « Nous sommes au regret de vous informer que votre candidature n’a pas été retenue« .

Point trop n’en faut !

Ça sera la conclusion de ce billet.  Varier ses constructions de phrases est un vrai plus : le texte paraît plus dynamique. Mais pas trop quand même : les phrases simples sont toujours celles qui seront les mieux lues, comprises et retenues par n’importe quel lecteur. Alors, un bon conseil : usez et abusez de la construction type Sujet / Verbe / Complément même si cela vous paraît d’une banalité extrême.
Un bon truc pour introduire de la rupture dans une succession de « S+V+C« , c’est l’utilisation des mots de liaison.
En renforçant les liens logiques entre les phrases, les mots de liaison, ou connecteurs logiques, améliorent la compréhension du texte. Et en plus, ces petits mots constituent des repères visuels qui facilitent une lecture rapide (la préférée des lecteurs professionnels, comme expliqué dans l’article sur les stratégie de lecture pour mieux récrire au travail).

Enfin, un petit rappel. La mieux construite des phrases perd tout son impact si les règles liées à l’orthographe, la grammaire, la ponctuation ne sont pas respectées.

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