La féminisation des métiers comme celle des fonctions reste un débat en France. La parité a du mal à avancer dans un pays où la langue reste un «trésor national» avec une vestale attitrée : l’Académie française.
Et force est de reconnaître que l’Académie française ne se laisse guère influencer par la féminisation de pans entiers de la société, notamment du côté des entreprises et de la vie publique.
Ainsi, alors que la langue courante admet sans problème les mots comme :
- auteure,
- écrivaine,
- ingénieure,
- professeure,
- procureure,
- chercheure.
L’Académie française considère quant à elle que ces formes de féminisation «sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes.»
Selon elle, la règle est d’utiliser un déterminant au féminin (la, cette, une,…) avec un nom qui reste invariable :
- une écrivain,
- une professeur,
- une ingénieur.
Précision d’importance ! Dans ce cas, écrivain, professeur et ingénieur ne sont pas au masculin mais au «masculin à valeur générique», ou encore au «masculin non marqué».
La meilleure illustration de l’usage de ce masculin est celle de Madame le secrétaire perpétuel de l’Académie française.
Quand je pense qu’avant d’écrire ce billet, je ne savais même pas qu’il existait un «masculin à valeur générique». En même temps, un masculin à valeur générique peut rendre une phrase assez savoureuse :
- Le gendarme s’est mariée en robe blanche.
- Le chirurgien s’est sentie mal à l’aise.
- Le capitaine a accouché d’un beau garçon.
Mais ça, c’était avant…
Avant le guide»Femme, j’écris ton nom… : guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions» publié par la Documentation française en 1999…
Et surtout avant sa remise au goût du jour en octobre 2014 du fait d’un «Madame le président», sciemment adressé à la vice-présidente de l’Assemblée nationale.
Hasard ou coïncidence, à peine trois ans après cet incident linguistique très fortement médiatisé, c’est une circulaire qui impose l’usage des règles de féminisation des grades et fonctions. Ainsi, «lorsqu’un arrêté est signé par une femme, l’auteure doit être désignée, dans l’intitulé du texte et dans l’article d’exécution, comme “la ministre”, “la secrétaire générale” ou “la directrice”».
De même, «s’agissant des actes de nomination, l’intitulé des fonctions tenues par une femme doit être systématiquement féminisé».
La référence pour les règles de féminisation à appliquer est le guide,«Femme, j’écris ton nom ».»
Que retenir du guide « Femme, j’écris ton nom… » ?
Je tente ici une synthèse des principales règles à appliquer dans nos écrits professionnels.
Dans la féminisation des noms comme pour toutes les règles de grammaire de la langue française, il y a :
- La règle générale.
- Les cas particuliers de la règle générale.
- Les exceptions.
1. La règle générale
La règle générale est que la forme féminine d’un nom s’obtient en ajoutant un E muet à la finale du masculin :
- Un avocat – Une avocate
- Son voisin – Sa voisine
- Un adjoint – Une adjointe
- Un agent – Une agente
- Le consultant – La consultante
- Cet écrivain – Cette écrivaine
2. Les cas particuliers de la règle générale
Ces cas particuliers sont liés à des modifications grapho-phoniques. Autrement dit une façon particulière d’écrire un mot pour qu’il concorde avec sa prononciation. Le français aime les mots qui « sonnent » bien à l’oreille (-phonique) et adapte l’écriture en conséquence (grapho-).
AU MASCULIN | AU FEMININ | |
Doublement de la dernière consonne | ||
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Au féminin, les noms qui finissent par une consonne doublent la consonne puis prennent un –e final |
Modification de la dernière consonne | ||
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Modification liée la lettre finale : -f et –c. |
Ajout d’un accent sur la dernière voyelle | ||
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Les noms qui finissent au masculin par la consonne –r ou –t prennent un accent grave au féminin en plus d’un –e final. |
Cas particuliers | ||
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La formule épicène (masculin = féminin) est retenue pour les quelques cas dont la féminisation est difficile à l’oreille. |
3. Les exceptions
mot au masculin se terminant par : |
mot au féminin se terminant par : |
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-e |
-e |
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Les « vieilles » formes du féminin en « -esse » : hôtesse, mairesse, maîtresse, poétesse…sont bien entendu correctes.
Mais, l’usage consacre de plus en plus les formes épicènes de type : une maire, une maître (d’hôtel, de conférences, etc.), une poète… |
-é ou -i |
-e |
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On retrouve ici le principe de la règle générale. |
-eur |
-euse |
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La forme féminine se termine par -euse lorsque le nom est issu d’un verbe : démarcher ->démarcheur -> démarcheuse acheter-> acheteur-> acheteuse.Exceptions : une avionneuse, une camionneuse.L’usage contemporain privilégie parfois la forme en –eur(e), par exemple : une chercheuse -> une chercheur(e)A noter : les anciennes formes en -esse s’utilisent encore dans la langue juridique : – défenderesse, – demanderesse, – venderesse, |
-eur |
-eure |
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La forme féminine se termine par –eur(e) lorsque le nom n’est pas issu d’un verbe.
A noter que les terminaisons en –eur ou en -eure sont toutes les deux correctes.
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-teur |
-trice |
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La forme en –trice au féminin est requise quand – il n’existe pas de verbe correspondant au nom(agriculteur, aviateur, instituteur, recteur…),– ou bien si le verbe est apparu postérieurement au nom (acteur/acter, auditeur/auditer).Nota : La règle s’applique aux noms empruntés à l’anglais, qu’ils soient francisés ou non : reporter -> reporteur -> reportrice ; supporter -> supporteur -> supportriceL’usage contemporain privilégie parfois la forme en –eur(e), par exemple: une sculptrice, mais aussi une sculpteur(e). |
-teur |
-teuse |
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La forme en –teuse au féminin est requise quand le nom est issu d’un verbe qui se termine par un -t– |
-ateur |
-atrice |
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Les mots en –ateur se féminisent en -atrice |
Doit-on respecter absolument respecter ces règles de féminisation dans un écrit professionnel ?
Ça dépend.
- Si vous n’êtes pas fonctionnaire, faites comme vous voulez. Soit en suivant les préconisations de l’Académie Française, soit en suivant celles du Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions.
Voire encore autrement. Car en matière de féminisation des fonctions, c’est la personne concernée qui choisit.
Ainsi, pour reprendre la question du début, à savoir quelle formule choisir : Mme le Directeur général, Mme la Directeure générale ou Mme la Directrice générale ?
Si on respecte strictement le guide, seule Mme la Directrice générale est correcte. L’Académie française, au motif que les fonctions sont neutres préconiserait Mme le Directeur.
Mais certaines directeures ne supportent d’être appelées directrices.
Bref, tout est possible. A condition de ne pas fâcher votre interlocutrice. Ainsi, autant que possible, renseignez-vous avant de lui écrire. Cela vous permettra de savoir comment elle a choisi de se faire appeler.
Une chef d’entreprise pourrait bien préférer être cheffe ou encore chèfe…
Attention cependant, en cas de doute : restez-en à la règle établie. Autrement dit à « chef » qui est un mot épicène (s’emploie indifféremment au masculin ou au féminin).
- En revanche, si vous appartenez à la fonction publique, vous êtes tenu de strictement appliquer les règles de la Circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française. Et donc, vous devez appliquer les règles du guide « Femme, j’écris ton nom ».
Comme la langue française, c’est aussi une histoire de syntaxe, il y a aussi un certains nombres de règles à respecter.
Pour être au clair avec tous les cas de syntaxe liés à la féminisation des mots, je recommande cet excellent site de nos amis canadiens.
Post-scriptum : Je remercie Gabriela Alfaro Madrigal, dont l’article « La féminisation des noms de métier…, une question de mentalités ? », paru dans Revista de Lenguas Modernas, N° 12, 2 010 / 139-149, a inspiré ce billet.
Permalien
Là où le bât blesse, c’est quand une femme a choisi de s’adonner à la plomberie… 😉
Permalien
Il y a fort à parier que son titre la laisse de glace…
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Ou pas … J’en ai connu des femmes – comme des hommes d’ailleurs – très « accros » à leur titre. Dans le doute, mieux vaut respecter les conventions d’écriture.
Cordialement.
Permalien
Merci pour vos précisions bien utiles. On voit encore trop souvent « auteure » alors que la forme correcte reste « autrice ».
Pour s’adresser à une avocate, faut-il dire ou écrire « Maître » ou « Maîtresse »? Le débat est cocasse 🙂
Bonne continuation.
Permalien
On dit bien » Maitre » quel que ce soit le sexe de l’avocat.
Je ne suis personnellement pas fan de cette féminisation à outrance, c’est pour moi un cataplasme sur une jambe de bois…
Comme si féminiser une fonction allait faire oublier qu’encore aujourd’hui les femmes ont peu de place dans les hautes fonctions, qu’elles soient publiques ou privées.
L’arbre qui cache la foret… Plutôt que de chercher à imposer une féminisation de la société, laissons là se faire en douceur, en prouvant dans la pratique, jour après jour, qu’homme ou femme ont d’égales capacités.
Ne vaut-il mieux pas être appelée « Madame le Président » avec tout le respect d’implique cette fonction, plutôt que « Madame la Présidente » histoire de faire plaisir ?
En tout cas merci pour votre blog que j’utilise très régulièrement en cas de doute sur la façon d’écrire en milieu professionnel.
Permalien
Au risque de me faire brocarder, j’avoue que personnellement je trouve ces débats peu intéressants quoi qu’en disent les féministes… je trouve que ça ridiculise le combat des femmes à être reconnues.
En plus à l’oreille certains noms ne sont pas agréables ce qui rend la chose encore plus grotesque.
Ne sommes-nous pas au-dessus de ça? Quand on masculinise une phrase à cause d’un groupe composée de femmes et d’un seul homme, je trouve qu’on contraire on se grandit en ne martelant pas que cette règle du « masculin qui l’emporte sur le féminin » est déplacée, je trouve pour ma part cela très drôle, ça montre au contraire qu’on fait une fleur à ces messieurs 🙂
Permalien
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